Et reprendre, c’est voler !
Le 14 mars 1991, dans le jardin luxuriant d’une maison située alors au fond d’une impasse, au 23 avenue Michel Ange, un don coutumier est réalisé au clan Kambwa Wecho Pweyta, en présence de plusieurs autorités coutumières et de nombreux habitants des cabanes voisines (improprement appelés « squatteurs »). Monsieur Conrad Sidarta Hopman vient en effet, quelques semaines auparavant, de fait savoir au clan Kambwa Wecho Pweyta qu’il souhaite lui donner une maison lui appartenant « de plein droit, sans restriction aucune ».
Le 21 décembre 1991, le donateur signe un courrier par lequel il informe « l’ensemble des agents, officiels, employés, fonctionnaires, représentants ou autres titres de toute administration ou institution de tout ordre relevant du gouvernement français ainsi que le grand public qu’il fait officiellement et solennellement don de sa propriété, dont la description suit, au clan Kambwa Ouetcho ».
Qui est donc ce mystérieux clan Kambwa Ouetcho (aujourd’hui orthographié Kambwa Wecho) ? Celui du grand chef Kuindo (ou Kwindo, ou Quindowa), présenté comme chef de la tribu de Nouméa lors de la prise de possession (mais en fait grand chef du pays Nouméa, qui recouvrait une zone allant de La Ouenghi au Cap N’Doua). Tout le monde ne connaît-il pas la plage de Kuindo : Kuendu Beach ? Ce chef guerrier donna bien du fil à retordre aux Français lors de leur implantation à Nouméa, avant de mourir assassiné en 1858. Les conditions de son exécution restent floues, chacun y allant de sa petite histoire aujourd’hui, certains n’hésitant pas à prétendre qu’il a été tué par les siens en raison de sa capitulation… Si la France prit deux de ses fils (Kuindo Louis et Kuindo Alphonse) et un neveu en otages, Kuindo ne capitula jamais.
En outre, il est nul besoin d’évoquer les siens pour expliquer sa mort prématuré, quand on sait qu’il avait en face de lui, en sus des troupes coloniales, des supplétifs kanak aussi divers que les Watton de Païta (clan vassal), les Vendegou de l’île des Pins, en passant par des clans vaincus par les Kambwa Wecho lors de leur conquête du Sud (et notamment le chef Nundo d’une tribu réfugiée à Dumbéa, mentionné parmi les tueurs de Kuindo), sans oublier bien entendu les Kanak réfugiés du Nord, chrétiens des missions maristes voisines, qui furent d’ailleurs mobilisé pour constituer le premier corps expéditionnaire kanak. Kuindo avait alors au moins autant d’ennemis que son descendant direct aujourd’hui, le grand chef Djumwâ Ignace Pweyta dit Païta (le nom du grand père Pweyta fut retenu comme patronyme à la mise en place de l’état civil coutumier ; à ce sujet, deux familles appartenant à d’autres clans prirent ce nom on ne sait trop pourquoi : Clément dit Païta, du clan Pwarato, fait partie de ceux qui portent aujourd’hui le patronyme Païta sans appartenir au clan Kambwa Wecho Pweyta).
Mais revenons à notre maison du 23 avenue Michel Ange. Une fois le don réalisé et confirmé par écrit le 21 décembre 1991, ce dernier est tamponné par la mairie de Nouméa qui légalise la signature du donateur le 22 janvier 1992.
Six mois après, au retour d’un séjour hors du territoire, le donateur revient curieusement sur sa décision en prétendant que le don n’a pas de valeur dans le droit français et en demandant aux représentants du clan de quitter la maison.
Ils décident d’y rester.
Quelques temps après, l’eau et l’électricité sont coupées par l’ancien propriétaire, ce qui n’empêche pas les nouveaux de continuer à y vivre, avec des enfants en bas âge, jusqu’à aujourd’hui.
Des contacts sont pris avec des avocats par des représentants du clan, afin de clarifier leur situation, mais personne ne réussit à faire aboutir leur dossier, ni pour obtenir un titre de propriété en bonne et due forme, ni même pour faire réinstaller l’eau et l’électricité, y compris récemment après l’engagement du RUMP à réhabiliter les habitats jugés insalubres.
Aujourd’hui, le clan a bien compris que Conrad Sidarta Hopman les a utilisés afin de chasser sa femme de la maison dans le but manifeste de l’occuper seul ensuite.
Récemment, l’ex épouse du donateur a engagé une procédure pour faire vendre cette maison, en faisant valoir une créance de son ex mari (Monsieur ne paie a priori pas ses pensions). Le clan comprend et respecte les droits de l’ex épouse, mais il défend les siens et souhaiterait qu’elle le comprenne. C’est pourquoi il a posé des banderoles indiquant que la maison n’était pas à vendre.
Il ne s’agit pas d’une revendication, puisque la maison leur a été donnée.
Pour le reste, il appartiendra à la justice de se prononcer, mais le clan défendra jusqu’au bout sa légitimité à conserver une maison qui leur a été donné, maison de plus située sur une terre qui leur a été spoliée pour installer cette ville qu’on appelle Nouméa.
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